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Le sourire de la poupée

mars 3, 2011

Et voilà.

J’ai l’impression d’être une de ces poupées qui ont un sourire figé sur le visage. On leur met de violentes claques dans la figure et, impassible, elles continuent de sourire. Elles n’ont pas le choix, elles ne peuvent pas faire autrement, elles sourient malgré les claques parce qu’elles ne peuvent pas faire autre chose.

Hier, je me suis mangé une claque qui m’a touché jusqu’au fond. Une autre de ces claques qui m’a fait mal. Profondément. Je ne les compte plus. J’ai pris l’habitude de continuer à sourire à la vie en espérant qu’un jour les choses changent.

Comme vous avez déjà pu le lire ici, je ne supporte plus mon travail. Cela fait maintenant un an que j’ai changé de site. Que je suis arrivé là où je suis pour démarrer une usine toute neuve. Déjà avant le changement, mon travail m’ennuyait. En arrivant, je suis passé en mode projet, l’usine démarrait, tout le monde était très, très, stressé, on nous mettait une pression folle, on se prenait des brasses (combien de collègues sont venus pleurer dans mon bureau), des menaces (si tu n’as pas signé ce soir, demain je t’envois la direction), et l’on m’a collé sur des processus que je ne maîtrisais pas.

Il y a un an, j’ai réalisé que quel que soit le contexte, je ne supportais plus mon travail. Que cette pression aurait peut-être été supportable si j’avais aimé mon travail. Alors je me suis dit que je devrais retourner à mon job initial, celui pour lequel j’avais fait mes études. J’ai atterri sur mon poste actuel par un complet hasard. Il ne correspondait pas à ma formation (enfin, disons de très loin en fait) mais restait dans ma « sphère » de connaissance. Et surtout, c’était un CDI.

Sauf que, deux ans et demi après mon diplôme, ça allait être difficile de me faire embaucher comme ça ailleurs.

Et puis, il y a quelques semaines, une offre en interne correspondant à ce que j’attends paraît. Un an après mon arrivée. Imaginez ma joie. Imaginez-la bien. Pour le contexte: je suis arrivé en Mars 2010 et l’usine était sur le point de démarrer. Nous sommes en Mars 2011, l’usine n’a pas démarrée, mais c’est de nouveau pour ce mois ci. Un an de retard. Imaginez la pression.

Bref, j’ai postulé. J’ai passé un entretien, j’ai prévenu ma hiérarchie de mon souhait de partir. Ils étaient d’accord. Le responsable de mon futur service avait l’air de trouver ma candidature intéressante mais il m’a prévenu : « ça fait longtemps que tu n’as pas été sur un poste similaire ».

Il a téléphoné hier soir. Et il m’a dit que ma candidature était géniale. Très motivée. Qu’il était très embêté parce qu’il ne voulait pas que je me décourage. Mais que pour cette mission de six mois, il préférait quelqu’un qui avait travaillé récemment dans ce domaine.

Alors j’ai repris mon sourire de poupée, je suis allé dire à tous les gens qui avaient croisé les doigts pour moi que, non, je n’avais pas le poste. J’ai dit que « non bien sûr, je ne me décourage pas, tu me connais! ». Mais bien sûr que oui je me décourage.

Parce que ça fait trois ans et demi que je n’ai pas été sur un poste pareil. Et que dans six mois (temps probable avant une nouvelle offre interne) cela fera quatre ans. Il faut être réaliste. Plus personne ne voudra de mon profil pour un poste comme celui là.

Alors, le job que je voulais faire, celui qui me motivait un minimum, celui pour lequel j’ai fait mes deux ans d’étude post bac avec un réel plaisir, ce job là, j’ai appris hier que je pouvais certainement faire une croix dessus. Pour toujours.

Et ce matin, je reviens à 7h30 m’asseoir sur ma chaise pour faire mon boulot de tous les jours, que j’ai en horreur depuis un an. Ce travail qui m’ennuie, profondément, qui me stresse, énormément. Et comment dire? J’ai l’impression d’être enfermé dans cette prison. J’ai cru avoir trouvé une scie pour couper les barreaux, et voilà que cette scie tombe en poussière.

Alors, comme je ne sais pas faire autre chose, je remets mon sourire sur mon visage de poupée, et je prétends que tout va bien. Hier soir, j’ai parlé un peu de tout ça à Nick, version édulcorée bien sûr. Il m’a regardé, a sans doute compris que c’était plus profond et m’a dit « tu ne devrais peut-être pas passer à autre chose aussi vite si ça te contrarie. Ca nous rattrape tu sais? »

« Je sais » dit la poupée.